Ceux qui prendront le train m'aiment

Publié le par La Souris Blonde

Maudits soient les chiens, leurs poils, leurs miasmes et leurs maîtres! Pourtant, il n'était pas gros, celui-ci. A vrai dire, coincé comme il était sur la banquette du compartiment entre sa mémère et son pépère, tous deux de bonne taille, je ne l'avais même pas vu en rentrant. Ce n'est qu'après quelques kilomètres de voie ferrée que j'ai commencé à sentir...
L'odeur.
Insoutenable.
Cadavérique.
Ce chien puait comme une armée de poubelles. Le remugle hideux m'arrivait par vagues, tandis que la mémère prenait un malin plaisir à touiller son toutou, lui remuer les poils, lui faire tirer la langue, pour être bien certaine qu'aucun effluve ne manque s'échapper dans l'air confiné du compartiment.
Du coup, j'ai fui. Sept heures de train à côté de ce chien, c'était au-dessus de mes forces. Oh, et puis tiens, juste pas loin, il y a un autre compartiment avec presque personne dedans, dites donc! Juste un monsieur qui n'a pas montré les dents quand je suis rentrée. Un bon début.
Evidemment, le temps de demander si ça ne le dérangeait pas que je m'installe et d'expliquer mon histoire de chien, la conversation était lancée. Elle n'allait plus s'arrêter pendant deux heures. Et...

"Hegel fait quelque part cette remarque que tous les grands événements et personnages historiques se répètent pour ainsi dire deux deux fois : il a oublié d'ajouter : la première fois comme tragédie, la seconde fois comme farce"

Merci, tonton Karl. Ce jour-là, donc, l'histoire bégayait.
D'abord, il était cheminot. Cheminot belge, certes, mais il m'a également lancé cette petite remarque, qu'il pouvait faire voyager à l'oeil les membres de sa famille. "Enfin, je dis pas ça pour... Non, bien sûr!"
Ensuite, ça n'était pas sa vraie vocation. Non, sa vraie vocation, c'était peintre
(la belle Hélène a gagné son pari, et va pouvoir être rebaptisée Cassandre). Peintre de portraits. Ce qu'il aimait, c'était le mouvement. D'ailleurs, j'avais de jolis cheveux. "Mais je ne dis pas ça pour te draguer, hein!"
Enfin, il était aussi poète. Et j'ai eu beau tenter d'expliquer que la poésie, c'était pas mon truc... Je crois bien qu'il va essayer de me convaincre, à son tour.
Ah, mais ainsi, la peinture l'intéresse ? Alors, parlons peinture, que diable ! Et nous voilà partis à la vitesse d'un train corail, discuter des mérites respectifs de la couleur et du noir et blanc, de la difficulté de saisir le modelé d'un visage, de l'opportunité de peindre à partir de photos, de la réticence et de la voracité des modèles... Oui, ce fut très technique. De quoi occuper l'espace langagier. De quoi éviter d'aborder, même de loin, tout sujet un peu personnel. Et de fait, malgré son insistance à rappeler qu'il était célibataire et que la vie l'avait fait souffrir, malgré ses fréquents rappels qu'il ne me draguait pas - de fait, il ne m'a pas draguée.
A quelque chose malheur est bon.
Maintenant, à quelque chose malheur est mauvais aussi, car au bout de deux heures de discussion sans drague, comment refuser de donner son e-mail à un gentil monsieur comme ça? La souris s'est fait avoir comme une souris bleue.
Troisième mouvement de la dialectique, donc, à quelque chose malheur est re-bon(d) : il y a des chances que je vous reparle du peintre-poète-cheminot. Lorsqu'il m'aura envoyé ses poèmes, sans doute... (soupir)
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H
-> LSB: Je suis toujours épaté devant une telle culture eclectique. <br /> Preux chevalier: sans rentrer dans le triangle infernal S/P/V, disons que ma chère et tendre a peut etre trop vu de Disney et qu'il doit rester un enfoui fond d'envie de princesse ayant rencontré son prince charmant. Mais elle se soigne... <br /> -> personne: don't mess with Mme Hector tout court  :) 
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P
Il y a comme un warning rouge qui vient de s'allumer dans mon esprit et qui clignote très fort :<br /> "don't mess with madame Hector...when she asks for a dvd, give her the dvd... don't mess with madame Hector... when she..."<br /> <br /> Je ne comprends pas, je ne connais même pas de madame Hector.<br /> <br /> ;-)
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L
Facile pourtant ! C'est pas la femme de Gontrand, pas la femme de Bertrand, pas la femme de Pamphile, c'est pas la femme de Firmin, pas la femme de Germain ni celle de Benjamin, c'est pas la femme d'Honoré ni celle de Désiré ni celle de Théophile, encore moins la femme de Nestor.
H
Là je dois avouer que quand on demande à un(e) casse pied de cesser son manège, faire près d'un mètre 90, être un peu bati en conséquence, le dire avec une voix grave et paraître déterminé (merci à  mes amis corses) entraîne généralement peu d'objection.<br /> Je me rappellerai toujours les larmes de ma chère et tendre, gare de lyon, quand ayant acheté un magazine avec un dvd (pour me faire plaisir en plus!), elle découvre qu'il n'y a pas le dvd escompté et qu'elle se fait bouler avec aggressivité du kiosque quand elle fait part de sa découverte par les 2 malotrus qui tenaient ce stand de journaux. Quand j'y suis allé, avec la fureur qui me caractérise quand qq'un fait pleurer ma chère et tendre, il n'y a pas eu de problème, je pouvais prendre 3 magazines au choix pour me dédommager...  Après ma chère et tendre pleurait toujours mais de rage devant cette différence et cette mysogynie.<br /> Mais bon un conseil pour les trains: prends les prems en premiere, à 45 e, quand on y a goute ... (et puis les secondes en TGV ne sont pas adaptées à des personnes de plus de 1m80...)  <br />   
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L
Le preux chevalier... Un type humain intéressant, aussi...
V
Peut on malgré tout avoir les quelques vers de ce poète maudit?
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L
S'il m'en envoie, oui... Jusqu'ici, je n'ai eu qu'un échantillon oral, et j'avoue n'avoir pas tout retenu. Non, en fait, j'avoue m'être endormie en chemin.
B
Mais dis moi... combien de jours par an tu ne te fais pas aborder
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L
Si tu lis bien, je mélange les histoires prises sur le vif (comme celle-là) et les souvenirs plus ou moins récents. Donc... Plusieurs années condensées en quelques mois, ça peut paraître impressionnant!Mais je concède que ma chronologie est nettement plus floue que la tienne.Bon, sinon, déguise-toi en fille un de ces jours et fais un tour dans Paris, tu verras que ça pleut sur toi ;-)