Apprenez à draguer avec la SNCF
Le train est décidément un moyen de transport très très romantique - a croire qu'il n'y a meilleur terreau pour les fleurs bleues que les talus de voies ferrées. Le slogan TGV est d'ailleurs fort clair : "prenez le temps d'aller vite", n'est-ce pas une invitation à croire au coup de foudre ?
Ce jour-là, la souris faisait renouveller sa carte de réduction SNCF pour jeunes souris. A la demande de l'employé au guichet, elle avait donc fourni son nom, son adresse, son numéro de téléphone, sa date de naissance, ses certificats de baptême et de bonne conduite, une radio des poumons, son groupe sanguin et juré sur la bible de dire la vérité, toute la vérité et rien que la vérité. Oh, elle avait bien remarqué, à l'arrière-plan, un jeune SNCFiste qui la lorgnait par-dessus l'épaule de son collègue, et se sentant regardée, elle avait un peu lorgné aussi, mais pas beaucoup - il en faut plus pour perturber une souris qui fait des projets ferroviaires.
Quelques temps plus tard, la souris reçut une jolie lettre. Les bords du papier étaient découpés en subtiles vaguelettes, l'écrture était calligraphiée avec soin, et, hors l'adresse de l'expéditeur, c'était écrit tout en vers.
Suffisamment bien balancés, les vers en question, je dois le reconnaître, pour me rester encore en mémoire plusieurs années après. Mon honnêteté me perdra. A moins que ce ne soit ma perversité, puisque lesdits vers élégamment rythmés, je les garderai pour moi - nyark, nyark.
A quelques allusions subtiles, la souris comprit qu'il s'agissait du jeune SNCFiste de l'arrière-plan, qui ne s'était pas remis du demi-lorgnage curieux à travers la vitre. Tandis qu'elle s'interrogeait pour savoir s'il était raisonnable ou non de répondre à cette lettre...
La souris : "Dis-moi, souris, est-ce bien raisonnable ?"
La souris : "Ah, mais enfin, c'est la moindre des politesses, non ?"
La souris : "Oui, mais si tu réponds, que ne va-t-il pas s'imaginer, malheureuse !"
La souris : "Ecrire, ça n'engage à rien, non ?"
La souris : "Que tu crois ! Femme qui lit, à moitié dans ton lit !"
La souris : "C'est pas "Femme qui lit, à moitié dans ton riz", plutôt ?"
La souris : "N'essaye pas de m'embobiner avec tes proverbes chinois ! L'heure est grave."
La souris : "Oui, mais il s'est donné du mal, tout de même, non ?"
La souris : "Franchement, tu l'as regardé, il te plaît ?"
La souris : "Franchement... Je saurais pas trop dire."
A ce moment, le téléphone sonna. C'était le jeune SNCFiste. Qui ne fit aucune difficulté pour avouer qu'en effet, il avait honteusement abusé de son statut d'agent des chemins de fer nationaux pour récupérer les coordonnées de la souris et en user à des fins privées. Mais... C'était pour la bonne cause, n'est-ce pas ? Ce jeune homme n'a vraiment aucun sens moral, se dit la souris outrée, qui décida que le personnage valait peut-être la peine, en définitive, de faire plus ample connaissance.
Voilà donc nos rongeurs ferroviaires discutant autour d'un verre, un soir, dans une banlieue équidistante. Entre les silences et les sourires timides, la conversation peinait quelque peu, nous mesurions progressivement le nombre de kilomètres à parcourir et les problèmes d'interopérabilité. Et c'est là que le jeune SNCFiste dégaina l'argument de choc, la botte secrète grâce à laquelle toute souris normalement constituée devait tomber dans ses bras grands ouverts : "Tu sais, comme employé de la SNCF, j'ai droit à tous mes voyages gratuits ! Et c'est pareil pour ma compagne, même si on n'est pas mariés !"
J'avoue que c'était convaincant. Si, si. Sortir avec un SNCFiste pour partir en vacances à l'oeil, c'était tentant. Sauf qu'il aurait fallu partir avec lui, et là... L'argument eut vite fait de délier la sauce romantique ferroviaire. Et la belle histoire resta sur le quai de la gare.
Ce jour-là, la souris faisait renouveller sa carte de réduction SNCF pour jeunes souris. A la demande de l'employé au guichet, elle avait donc fourni son nom, son adresse, son numéro de téléphone, sa date de naissance, ses certificats de baptême et de bonne conduite, une radio des poumons, son groupe sanguin et juré sur la bible de dire la vérité, toute la vérité et rien que la vérité. Oh, elle avait bien remarqué, à l'arrière-plan, un jeune SNCFiste qui la lorgnait par-dessus l'épaule de son collègue, et se sentant regardée, elle avait un peu lorgné aussi, mais pas beaucoup - il en faut plus pour perturber une souris qui fait des projets ferroviaires.
Quelques temps plus tard, la souris reçut une jolie lettre. Les bords du papier étaient découpés en subtiles vaguelettes, l'écrture était calligraphiée avec soin, et, hors l'adresse de l'expéditeur, c'était écrit tout en vers.
Suffisamment bien balancés, les vers en question, je dois le reconnaître, pour me rester encore en mémoire plusieurs années après. Mon honnêteté me perdra. A moins que ce ne soit ma perversité, puisque lesdits vers élégamment rythmés, je les garderai pour moi - nyark, nyark.
A quelques allusions subtiles, la souris comprit qu'il s'agissait du jeune SNCFiste de l'arrière-plan, qui ne s'était pas remis du demi-lorgnage curieux à travers la vitre. Tandis qu'elle s'interrogeait pour savoir s'il était raisonnable ou non de répondre à cette lettre...
La souris : "Dis-moi, souris, est-ce bien raisonnable ?"
La souris : "Ah, mais enfin, c'est la moindre des politesses, non ?"
La souris : "Oui, mais si tu réponds, que ne va-t-il pas s'imaginer, malheureuse !"
La souris : "Ecrire, ça n'engage à rien, non ?"
La souris : "Que tu crois ! Femme qui lit, à moitié dans ton lit !"
La souris : "C'est pas "Femme qui lit, à moitié dans ton riz", plutôt ?"
La souris : "N'essaye pas de m'embobiner avec tes proverbes chinois ! L'heure est grave."
La souris : "Oui, mais il s'est donné du mal, tout de même, non ?"
La souris : "Franchement, tu l'as regardé, il te plaît ?"
La souris : "Franchement... Je saurais pas trop dire."
A ce moment, le téléphone sonna. C'était le jeune SNCFiste. Qui ne fit aucune difficulté pour avouer qu'en effet, il avait honteusement abusé de son statut d'agent des chemins de fer nationaux pour récupérer les coordonnées de la souris et en user à des fins privées. Mais... C'était pour la bonne cause, n'est-ce pas ? Ce jeune homme n'a vraiment aucun sens moral, se dit la souris outrée, qui décida que le personnage valait peut-être la peine, en définitive, de faire plus ample connaissance.
Voilà donc nos rongeurs ferroviaires discutant autour d'un verre, un soir, dans une banlieue équidistante. Entre les silences et les sourires timides, la conversation peinait quelque peu, nous mesurions progressivement le nombre de kilomètres à parcourir et les problèmes d'interopérabilité. Et c'est là que le jeune SNCFiste dégaina l'argument de choc, la botte secrète grâce à laquelle toute souris normalement constituée devait tomber dans ses bras grands ouverts : "Tu sais, comme employé de la SNCF, j'ai droit à tous mes voyages gratuits ! Et c'est pareil pour ma compagne, même si on n'est pas mariés !"
J'avoue que c'était convaincant. Si, si. Sortir avec un SNCFiste pour partir en vacances à l'oeil, c'était tentant. Sauf qu'il aurait fallu partir avec lui, et là... L'argument eut vite fait de délier la sauce romantique ferroviaire. Et la belle histoire resta sur le quai de la gare.