Macarons à la noix
Ce jour-là, la souris d’humeur gourmande était allée quérir quelques macarons choisis pour offrir à un rongeur de ses amis. L’histoire ne dit pas quelles étaient les relations de la souris avec ledit rongeur, ni s’il avait plus de goût pour les souris que pour les macarons, ni s’ils les croquèrent ensemble le lendemain au petit déjeuner après une folle nuit. Non, non, n’insistez pas, l’histoire ne le dira pas. La bonne, l’excellente raison pour ça, c’est que la souris ne se rappelle même plus exactement à qui étaient destinés les macarons délicats. Pour tout dire, c’était peut-être même une rongeuse. C’était peut-être même la grand-mère de toutes les souris, et les macarons étaient destinés à changer de l’éternelle galette avec son petit pot de beurre, qui commence à lasser grand-mère, quoi.
L’histoire s’arrêtera donc sur le seuil du talentueux pâtissier chez qui la souris était allée macarons quérir. Sur le seuil en sortant, rassurez-vous, la souris ne laissera pas son lectorat sur le trottoir devant un lieu si attrayant. A cette heure de peu d’affluence, il n’y avait dans la boutique qu’un seul vendeur, jeune, serviable, parlant volontiers. Après avoir virevolté avec grâce entre les différentes sortes de macarons, expliqué leurs saveurs compliquées, rempli avec soin une jolie boîte, il pesa les pâtisseries et demanda gentiment, en échange, quelques euros et « nonante centimes ».
Nonante centimes.
Pas banal, ça, dans un pays où les commerçants refusent les chèques libellés en langue francophone extra-frontalière, et où l’orthodoxie étymologique prime sur la simplicité linguistique.
La souris s’enquiert donc de savoir si le jeune homme a des racines belges ou suisses, parce qu’après tout, c’est bigrement intéressant tout ça.
A quoi le jeune homme répond que « ni l’un ni l’autre, c’est juste un moyen d’engager la conversation. »
La souris se sentit soudain une bosse sur le front – ce qui était compréhensible, vu qu’elle venait de foncer en plein dans le panneau.
Pourtant, après avoir prononcé ces mots, le jeune homme sembla se figer dans l’acceptation d’une dure réalité. La conversation s’arrêterait là. Parce qu’il avait tendu une perche, qu’elle l’avait saisie, et qu’il n’avait pas rebondi dessus. Parce que révéler aussi vite les intentions cachées derrière un jeu linguistique, c’était briser le jeu linguistique. Parce que la souris n’a rien contre les francophones français non plus, mais que là, il n’y avait plus grand-chose à répondre. Que prendre ses macarons, ses cliques et ses claques, et reprendre la porte en disant gentiment au revoir.
En jargon nuciforme, on appelle ça merder sur le service après-vente.