Centre de gravité
Il y a des jours où la moitié de l'humanité vous regarde.
Pourtant, vous n'avez pas de jupe, pas de talons hauts, pas de maquillage aujourd'hui, pas vraiment coiffée, des cernes jusqu'au milieu du visage. Mais quelque chose est différent.
Ces jours-là, tous les visages sont levés vers vous quand vous entrez dans le métro. Chaque fois que vous vous retournez, vous surprenez un homme en train de remettre brusquement la tête à l'endroit, comme s'il ne se l'était pas dévissée l'instant d'avant. La contemplation de votre visage semble passionner les passant.
Pourtant, aucun bouton d'acné géant n'a émergé sur votre nez ce matin et vous avez vérifié, vous n'avez pas de reste de purée de courgette collé à la joue.
Mais tous les regards que vous croisez se font insistants - les yeux masculins restent collés dans les votres aussi irrésistiblement que dans de la glue. Le monsieur vous tend un regard appuyé en même temps que votre ticket de consigne, et tarde à lâcher celui-ci, comme s'il voulait retenir votre main le temps d'un long regard filtrant, affûté et luisant entre les cils. Les "bonjours" d'ordinaire si mécaniques des vigiles s'attardent en inflexions flatteuses qui vous font presser le pas.
Pourtant - mais qu'est-ce qu'ils ont, aujourd'hui?
Mais cela continue avec acharnement, ces regards furtifs pris dans vos rets avec une expression étonnée, surprise. C'est très bizarre. Un attrait incompréhensible, comme si vous étiez aimantée, parfumée, ou que vous aviez utilisé le bon déodorant. Comme si vous dégagiez l'aura irrésistible d'une bombe sexuelle, alors que vous n'avez rien fait pour paraître une bombe sexuelle. Un peu inquiétante au début, ce genre d'aventure devient presque comique au bout de quelques heures - un bon running gag.
Oh, je vous vois venir de loin, à m'accuser d'autoflagornerie, alors je précise : c'est pas comme ça tous les jours, non plus. Mais comme une réputation de blonde prétentieuse, mine de rien, ça s'entretient, j'ajoute : rarement plus d'une fois par semaine, finalement.
C'était un jour comme celui-là que la souris doubla, sur un escalier roulant, ce jeune homme dont la large carrure amenuisait d'autant les possibilités de passage. D'où le "pardon" de la souris, avec sa toute petite voix de souris. Le jeune homme se serra un peu, se retournant légèrement, son regard tressaillit à peine et se planta dans la souris : "Mais je vous en prie", répondit-il d'une voix de basse très appliquée, déployant toutes les ressources de gravité virile qu'il était humainement possible de concentrer dans une phrase aussi courte.
La souris se sentit soudain petit souriceron rouge.
Oh, mère-grand, que vous avez une grosse voix.
Pourtant, vous n'avez pas de jupe, pas de talons hauts, pas de maquillage aujourd'hui, pas vraiment coiffée, des cernes jusqu'au milieu du visage. Mais quelque chose est différent.
Ces jours-là, tous les visages sont levés vers vous quand vous entrez dans le métro. Chaque fois que vous vous retournez, vous surprenez un homme en train de remettre brusquement la tête à l'endroit, comme s'il ne se l'était pas dévissée l'instant d'avant. La contemplation de votre visage semble passionner les passant.
Pourtant, aucun bouton d'acné géant n'a émergé sur votre nez ce matin et vous avez vérifié, vous n'avez pas de reste de purée de courgette collé à la joue.
Mais tous les regards que vous croisez se font insistants - les yeux masculins restent collés dans les votres aussi irrésistiblement que dans de la glue. Le monsieur vous tend un regard appuyé en même temps que votre ticket de consigne, et tarde à lâcher celui-ci, comme s'il voulait retenir votre main le temps d'un long regard filtrant, affûté et luisant entre les cils. Les "bonjours" d'ordinaire si mécaniques des vigiles s'attardent en inflexions flatteuses qui vous font presser le pas.
Pourtant - mais qu'est-ce qu'ils ont, aujourd'hui?
Mais cela continue avec acharnement, ces regards furtifs pris dans vos rets avec une expression étonnée, surprise. C'est très bizarre. Un attrait incompréhensible, comme si vous étiez aimantée, parfumée, ou que vous aviez utilisé le bon déodorant. Comme si vous dégagiez l'aura irrésistible d'une bombe sexuelle, alors que vous n'avez rien fait pour paraître une bombe sexuelle. Un peu inquiétante au début, ce genre d'aventure devient presque comique au bout de quelques heures - un bon running gag.
Oh, je vous vois venir de loin, à m'accuser d'autoflagornerie, alors je précise : c'est pas comme ça tous les jours, non plus. Mais comme une réputation de blonde prétentieuse, mine de rien, ça s'entretient, j'ajoute : rarement plus d'une fois par semaine, finalement.
C'était un jour comme celui-là que la souris doubla, sur un escalier roulant, ce jeune homme dont la large carrure amenuisait d'autant les possibilités de passage. D'où le "pardon" de la souris, avec sa toute petite voix de souris. Le jeune homme se serra un peu, se retournant légèrement, son regard tressaillit à peine et se planta dans la souris : "Mais je vous en prie", répondit-il d'une voix de basse très appliquée, déployant toutes les ressources de gravité virile qu'il était humainement possible de concentrer dans une phrase aussi courte.
La souris se sentit soudain petit souriceron rouge.
Oh, mère-grand, que vous avez une grosse voix.