Les chaises musicales
Ce soir-là, la souris était allée écouter des musiques étranges dans un café improbable d'un quartier lointain, sur la recommandation d'un ami d'ami d'ami qui avait assuré, par téléphone arabe interposé, que si, si, ça allait être super, comme soirée.
Voilà donc notre souris de laboratoire, que nous appellerons A pour plus de commodité, plongée dans un milieu fortement réactif. Au fait, pour encore plus de commodité, continuons donc à appeler la souris "souris", et précisons, par souci de rigueur scientifique, qu'entrer dans un bar où joue un groupe de jazz libanais n'est tout de même ni aussi sportif, ni aussi pernicieux que courir dans un labyrinthe.
Quoique. Dans la salle éclairée avec parcimonie, une petite foule commençait à s'installer autour des tables rondes, sur des chaises en nombre nettement insuffisant. La souris, tombée de la dernière pluie, cherchait vainement autour d'elle un visage de connaissance, pour s'installer quelque part. Pas un.
Il y avait bien cet homme, là-bas, dans le coin, assis tout seul à une table, avec une chaise vide en face de lui, une vraie pitié de laisser une pauvre chaise toute vide comme ça. Mais enfin, demander à un parfait inconnu la permission de s'installer à sa table, ça ne se fait pas, souris. ça pourrait être pris pour une tentative de drague, ou une autorisation tacite, enfin, bref, la souris continuait à tournicoter en tricottant des jambes.
Mais voilà que l'homme se lève et, très gentiment, propose à la souris, si elle le veut, de s'installer à ladite table. Lui-même attend une amie, mais on trouvera bien une troisième chaise pour elle. Ce qui fut fait.
La soirée fut très agréable, sans ambiguïté. L'homme, originaire du pas très lointain orient, trouvait très naturel d'inviter une jeune fille visiblement perdue à une table qui, de toutes façons, ne lui appartenait pas. La souris et lui échangèrent beaucoup ce soir-là, firent connaissance, puis se revirent quelques fois, puis devinrent amis.
Et reparlèrent de cette rencontre de hasard, de la difficulté qu'il y a, parfois, à Paris, en France, à engager la conversation avec une personne sans que ce soit pris pour une agression, et réciproquement, à accepter de lier connaissance sans avoir peur de passer pour... Bref. Ce soir-là, tous deux avaient réussi à éviter les écueils et les récifs des relations humaines en milieu parisien.
C'est alors que l'homme confia à la souris comment, au cours de cette soirée, l'amie qui était venue les rejoindre, à un moment, s'était penchée vers lui et lui avait demandé, discrètement, l'air soupçonneux : "C'est qui cette fille ?"
Elle était femme. Elle était parisienne. Accepter de parler avec un inconnu, c'était à ses yeux un geste inqualifiable.
Voilà donc notre souris de laboratoire, que nous appellerons A pour plus de commodité, plongée dans un milieu fortement réactif. Au fait, pour encore plus de commodité, continuons donc à appeler la souris "souris", et précisons, par souci de rigueur scientifique, qu'entrer dans un bar où joue un groupe de jazz libanais n'est tout de même ni aussi sportif, ni aussi pernicieux que courir dans un labyrinthe.
Quoique. Dans la salle éclairée avec parcimonie, une petite foule commençait à s'installer autour des tables rondes, sur des chaises en nombre nettement insuffisant. La souris, tombée de la dernière pluie, cherchait vainement autour d'elle un visage de connaissance, pour s'installer quelque part. Pas un.
Il y avait bien cet homme, là-bas, dans le coin, assis tout seul à une table, avec une chaise vide en face de lui, une vraie pitié de laisser une pauvre chaise toute vide comme ça. Mais enfin, demander à un parfait inconnu la permission de s'installer à sa table, ça ne se fait pas, souris. ça pourrait être pris pour une tentative de drague, ou une autorisation tacite, enfin, bref, la souris continuait à tournicoter en tricottant des jambes.
Mais voilà que l'homme se lève et, très gentiment, propose à la souris, si elle le veut, de s'installer à ladite table. Lui-même attend une amie, mais on trouvera bien une troisième chaise pour elle. Ce qui fut fait.
La soirée fut très agréable, sans ambiguïté. L'homme, originaire du pas très lointain orient, trouvait très naturel d'inviter une jeune fille visiblement perdue à une table qui, de toutes façons, ne lui appartenait pas. La souris et lui échangèrent beaucoup ce soir-là, firent connaissance, puis se revirent quelques fois, puis devinrent amis.
Et reparlèrent de cette rencontre de hasard, de la difficulté qu'il y a, parfois, à Paris, en France, à engager la conversation avec une personne sans que ce soit pris pour une agression, et réciproquement, à accepter de lier connaissance sans avoir peur de passer pour... Bref. Ce soir-là, tous deux avaient réussi à éviter les écueils et les récifs des relations humaines en milieu parisien.
C'est alors que l'homme confia à la souris comment, au cours de cette soirée, l'amie qui était venue les rejoindre, à un moment, s'était penchée vers lui et lui avait demandé, discrètement, l'air soupçonneux : "C'est qui cette fille ?"
Elle était femme. Elle était parisienne. Accepter de parler avec un inconnu, c'était à ses yeux un geste inqualifiable.