Drague et politique
A l'approche de la partie de campagne, une question s'impose : la drague à la noix est-elle de droite ou de gauche ? Non, je ne parle pas de l'eros du pouvoir, phénomène bien connu qui transforme nos assemblées en "congrès", mais de la couleur politique des dragueurs. Y a-t-il une idéologie politique derrière la drague à la noix?
A y bien réfléchir, et aussi pour que tout le monde soit content... La drague à la noix peut être à gauche aussi bien qu'à droite. Mais pas du tout de la même façon.
La drague à la noix de gauche, c'est, finalement, assez attendu. Le dragueur de gauche, lorsqu'il théorise, fonde son idéologie de façon plus ou moins avouée sur une critique marxiste du mariage et de la fidélité, qui ne seraient que des institutions bourgeoises destinées à conserver le capital au sein des familles s'exploiteurs du peuple.
La drague de gauche se décline en plusieurs degrés d'intensité idéologique.
Mais de façon assez surprenante, les mêmes comportements peuvent aussi être sous-tendus pas une idéologie de droite.
D'abord, la drague à la noix de droite se fonde sur une conviction profondément inégalitaire. Les hommes et les femmes, ce n'est pas pareil. Du tout. Le dragueur à la noix de droite s'appuie sur un constat, que les filles draguent moins que les garçons, pour affirmer qu'il y a entre eux une vraie différence de nature, et qu'il est dans la nature de l'homme d'être dominant et dans celle de la femme d'accepter de se laisser gentiment berner. Sinon, la femme est un être contre-nature, une infâme féministe qui ne voit pas l'évidence, et même probablement une homosexuelle inavouée.
Ensuite, l'idéologie sera plutôt celle d'une droite libérale. Les relations humaines seront analysées en termes de compétition, de loi du plus fort. Dans les relations avec le sexe opposé, comme dans l'entreprise, il s'agit de montrer que l'on est un mâle dominant, un winner, avec l'idée que tout réussit à celui qui montre sa réussite et écrase les autres. Le dragueur est ainsi appelé à se conduire comme si tout lui était dû, l'attitude prédatrice est valorisée comme signe et moteur du succès.
On trouvera même là-dedans un discours sur l'économie de marché. Un dragueur m'a ainsi un jour doctement expliqué les relations entre hommes et femmes en termes de loi de l'offre et de la demande - l'offre étant considérée comme exclusivement féminine et la demande exclusivement masculine, puisque, ne l'oublions pas, dans ce discours, l'homme et la femme, ce n'est pas du tout la même chose ; impossible donc que les hommes soient considérés, eux aussi, comme un "produit" sur lequel les femmes auraient une certaine "demande".
Selon lui, entre 20 et 35 ans, les femmes sont en position de force: en nombre restreint face à la population générale, elles ont à leurs pieds une importante population d'hommes jeunes et moins jeunes. La demande étant nettement supérieure à l'offre, les femmes dans leur jeunesse voient leur prix monter. A l'âge mûr, le marché se casse la gueule. Les femmes flétries sont en net surproduction par rapport à une demande qui s'est considérablement réduite, focalisée sur les produits plus récents.
La conclusion de cette fine analyse théorique était que les femmes jeunes, malgré leur position dominante sur le marché, devaient arrêter de se la péter et être plus conciliantes avec ceux qui les draguent, de peur de se retrouver toutes seules au moment où la demande les concernant se serait effondrée. Céder aux dragueurs à la noix, un genre d'assurance-vieillesse, en somme : il s'agit alors de capitaliser des hommes pour ses vieux jours.
Et comme dans la vie politique, ce discours marqué au sceau du libéralisme économique se doublait d'une idéologie de droite conservatrice plutôt traditionnelle. Le dragueur en question était en effet persuadé que les femmes étaient, par nature, de droite ; qu'elles étaient "toutes des bourgeoises". Selon lui, les femmes, puisqu'elles avaient à porter des enfants, étaient nécessairement conservatrices. Tout dragueur digne de ce nom avait donc intérêt à prendre une posture de bon père de famille potentiel, à adopter un discours rassurant et à chausser ses charentaises. Et à expliquer aux femmes, évidemment, qu'il était dans leur intérêt de le choisir, pour leur assurance-vieillesse.
Le seul point commun entre ces deux idéologies, la drague de droite et la drague de gauche, étant finalement qu'elles ont intérêt à être très très bien cachées. Car un discours aussi schématique et rigide sur les relations humaines, même si ce n'est pas explicitement étalé et théorisé, même s'il n'apparaît qu'accidentellement, je ne sais pas pour vous, mais moi, ça me donne tout de suite envie de brûler mon soutien-gorge.
A y bien réfléchir, et aussi pour que tout le monde soit content... La drague à la noix peut être à gauche aussi bien qu'à droite. Mais pas du tout de la même façon.
La drague à la noix de gauche, c'est, finalement, assez attendu. Le dragueur de gauche, lorsqu'il théorise, fonde son idéologie de façon plus ou moins avouée sur une critique marxiste du mariage et de la fidélité, qui ne seraient que des institutions bourgeoises destinées à conserver le capital au sein des familles s'exploiteurs du peuple.
La drague de gauche se décline en plusieurs degrés d'intensité idéologique.
- D'abord, le dragueur post-soixanthuitard, qui considère simplement que prôner la liberté des moeurs, c'est faire acte de révolte contre "la société", entité vague et indéfinie dans son discours, mais qu'importe.
- Ensuite, le dragueur marxiste, qui a trop écouté Brassens, considère comme un acte militant de faire des petits bâtards à la pelle et de multiplier les divorces, pour briser l'unité des familles bourgeoises.
- Enfin, le dragueur anarcho-marxiste, espèce assez rare, cumule les deux idéologies précédents, mais leur ajoute une couche supplémentaire. Il fait de la souffrance infligée aux femmes par un comportement volage et cynique un facteur d'énervement social, et donc un moteur possible de la révolution qu'il appelle de ses voeux. Une manière agréable d'amener le Grand Soir, et pas seulement de l'attendre.
- Ensuite, le dragueur marxiste, qui a trop écouté Brassens, considère comme un acte militant de faire des petits bâtards à la pelle et de multiplier les divorces, pour briser l'unité des familles bourgeoises.
- Enfin, le dragueur anarcho-marxiste, espèce assez rare, cumule les deux idéologies précédents, mais leur ajoute une couche supplémentaire. Il fait de la souffrance infligée aux femmes par un comportement volage et cynique un facteur d'énervement social, et donc un moteur possible de la révolution qu'il appelle de ses voeux. Une manière agréable d'amener le Grand Soir, et pas seulement de l'attendre.
Mais de façon assez surprenante, les mêmes comportements peuvent aussi être sous-tendus pas une idéologie de droite.
D'abord, la drague à la noix de droite se fonde sur une conviction profondément inégalitaire. Les hommes et les femmes, ce n'est pas pareil. Du tout. Le dragueur à la noix de droite s'appuie sur un constat, que les filles draguent moins que les garçons, pour affirmer qu'il y a entre eux une vraie différence de nature, et qu'il est dans la nature de l'homme d'être dominant et dans celle de la femme d'accepter de se laisser gentiment berner. Sinon, la femme est un être contre-nature, une infâme féministe qui ne voit pas l'évidence, et même probablement une homosexuelle inavouée.
Ensuite, l'idéologie sera plutôt celle d'une droite libérale. Les relations humaines seront analysées en termes de compétition, de loi du plus fort. Dans les relations avec le sexe opposé, comme dans l'entreprise, il s'agit de montrer que l'on est un mâle dominant, un winner, avec l'idée que tout réussit à celui qui montre sa réussite et écrase les autres. Le dragueur est ainsi appelé à se conduire comme si tout lui était dû, l'attitude prédatrice est valorisée comme signe et moteur du succès.
On trouvera même là-dedans un discours sur l'économie de marché. Un dragueur m'a ainsi un jour doctement expliqué les relations entre hommes et femmes en termes de loi de l'offre et de la demande - l'offre étant considérée comme exclusivement féminine et la demande exclusivement masculine, puisque, ne l'oublions pas, dans ce discours, l'homme et la femme, ce n'est pas du tout la même chose ; impossible donc que les hommes soient considérés, eux aussi, comme un "produit" sur lequel les femmes auraient une certaine "demande".
Selon lui, entre 20 et 35 ans, les femmes sont en position de force: en nombre restreint face à la population générale, elles ont à leurs pieds une importante population d'hommes jeunes et moins jeunes. La demande étant nettement supérieure à l'offre, les femmes dans leur jeunesse voient leur prix monter. A l'âge mûr, le marché se casse la gueule. Les femmes flétries sont en net surproduction par rapport à une demande qui s'est considérablement réduite, focalisée sur les produits plus récents.
La conclusion de cette fine analyse théorique était que les femmes jeunes, malgré leur position dominante sur le marché, devaient arrêter de se la péter et être plus conciliantes avec ceux qui les draguent, de peur de se retrouver toutes seules au moment où la demande les concernant se serait effondrée. Céder aux dragueurs à la noix, un genre d'assurance-vieillesse, en somme : il s'agit alors de capitaliser des hommes pour ses vieux jours.
Et comme dans la vie politique, ce discours marqué au sceau du libéralisme économique se doublait d'une idéologie de droite conservatrice plutôt traditionnelle. Le dragueur en question était en effet persuadé que les femmes étaient, par nature, de droite ; qu'elles étaient "toutes des bourgeoises". Selon lui, les femmes, puisqu'elles avaient à porter des enfants, étaient nécessairement conservatrices. Tout dragueur digne de ce nom avait donc intérêt à prendre une posture de bon père de famille potentiel, à adopter un discours rassurant et à chausser ses charentaises. Et à expliquer aux femmes, évidemment, qu'il était dans leur intérêt de le choisir, pour leur assurance-vieillesse.
Le seul point commun entre ces deux idéologies, la drague de droite et la drague de gauche, étant finalement qu'elles ont intérêt à être très très bien cachées. Car un discours aussi schématique et rigide sur les relations humaines, même si ce n'est pas explicitement étalé et théorisé, même s'il n'apparaît qu'accidentellement, je ne sais pas pour vous, mais moi, ça me donne tout de suite envie de brûler mon soutien-gorge.