Ton père, c'est un voleur
« Eh, mademoiselle, ton père c’est un voleur ! Il a pris toutes les étoiles du ciel pour les mettre dans tes yeux ! »
Cette phrase me fascine, « ton père c’est un voleur ». Ça se voit, oui.
Parce que c’est un des rares mots d’esprit qui se bonifie avec l’usure. Au départ, c’est vrai, la plaisanterie n’est pas terrible. Mais à la longue, à force d’usage et d’ab-usage, lorsque le trait devient complètement éculé, ça devient presque une private joke entre le dragueur à la noix et vous. La preuve, on a rarement besoin de dire la fin.
Mais encore ? Et bien, aussi parce que ce n’est pas franchement un compliment, « ton père c’est un voleur ». C’est vrai, quoi. Ça a un côté cocasse, d’interpeller comme ça une jeune fille sur la non-respectabilité de son ascendance paternelle.
D’ailleurs, visiblement, le dragueur à la noix ne verrait aucun inconvénient à fréquenter la fille d’un voleur. Au contraire. Ça en dit long sur son système de valeurs, et aussi sur ses motivations, finalement. Peut-être se verrait-il bien reprendre l’affaire familiale en épousant la fille du patron, qui sait ?
Et c’est tout ? Non, pas tout encore. « ton père c’est un voleur », mais pas n’importe quel voleur. Un voleur d’étoiles, dis donc. Joyaux des joyaux. Nous voilà propulsés en plein conte des mille et une nuits, ou dans quelque mythologie originelle, entre Ali Baba et Prométhée. Ces voleurs-là sont de sympathiques fripons, des voleurs pour la bonne cause, beaucoup plus romanesques finalement que ceux qu’ils dépouillent. La demoiselle ainsi interpellée devient princesse orientale, fille de héros, quelque chose de magique est passé par là.
« Ton père c’est un voleur », mais te voilà bien honnêtement complimentée.