Bricorama, entre nous une même passion
Avec un tel slogan, c'est vrai qu'ils l'ont un peu cherché... Toujours est-il que les magasins Bricorama ont une certaine réputation. Réputation d'être fréquentés par plein de célibataires, d'abord. Ensuite, d'être un bon endroit pour faire montre de ses compétences en matière de virilité devant les dames qui ne savent pas faire la différence entre une perçeuse et une visseuse. Bon, j'avoue que c'est retors, vu qu'il y a des perçeuses qui font aussi visseuse. Disons alors, qui ne savent pas différencier une perçeuse d'une ponçeuse. Si si, ça existe. Ou qui ne savent pas à quoi sert une scie-cloche, alors que bon, je veux dire, c'est assez évident, y'a qu'à regarder (non, je n'ai pas écrit les regarder).
Comme si les rayonnages de prises électriques, de clous, de boulons, de lasure et d'enduit de rebouchage créaient des conditions particulièrement propices pour lier conversation, en fournissant à la fois un sujet de discussion inépuisable (car les types de mèches de perçeuses sont plus innombrables encore que les étoiles au ciel) et une occasion de se présenter sous un jour favorable, comme un homme protecteur, rassurant, apte à porter un foyer sur ses larges épaules. Le genre d'homme qui ne vous laissera pas déboucher votre évier toute seule, l'homme qui sera là le jour où les plombs sauteront, l'homme avec lequel les portes de placards ne grincent pas, ferment bien et tiennent droit. C'est vrai que ça fait rêver. Terrain propice, disions nous.
Toujours est-il que le jour où j'ai eu ma carte de fidélité Bricorama, j'ai eu comme l'impression de m'être inscrite insconsciemment dans un club de rencontre, un genre de Meetic souterrain, qui sentirait la sciure, le White Spirit et la limaille de fer. In real life, tout de suite. D'entrée, j'ai été surprise par le ton extraordinairement courtois des conversations dans les allées entre des gens qui ne se connaissaient pas la minute d'avant, comme si chacun était absolument ravi d'avoir à donner des conseils sur la différence entre le plâtre fin et l'enduit de rebouchage, et comme si ces conseils étaient accueillis avec une reconnaissance tellement extrême que c'en était presque suspect. Bon enfant, tout cela : rien de noiseux, politesse et rires discrets. J'ai eu moi aussi quelques relations sans lendemain, comme cet inconnu qui m'a si obligemment expliqué l'application, le mode d'emploi et les mérites respectifs de tous les produits d'entretien pour tomettes, le lait rénovateur, le super décapant, l'imperméabilisant anti-taches, la cire colorante, le bouche-pores. Sans oublier les chiffons doux, brosses, papiers de verre ou serpillères adéquats pour l'application de tout cela. Mes tomettes vont bien, merci, et l'inconnu m'a souhaité une bonne journée avec un sourire que je lui ai rendu avant de tourner le coin du rayon.
Et puis il y a eu le rayon visserie.
Ce jour-là, je cherchais des chevilles pour matériaux ni creux ni plein (si, ça existe. Du carreau de plâtre alvéolé, ça s'appelle. Et c'est très suant) et les vis pour aller avec. Et j'avoue que devant l'infinie diversité des types de chevilles pour toutes les sortes de murs possible et tous les usages imaginables, je me suis sentie, comment dire, un peu perdue et en manque d'une aide fraternelle pour m'épauler dans ce choix crucial.
Justement, il était là, lui aussi plongé dans la contemplation des petits paquets de dix, douze, cinquante, cent chevilles, toutes différentes, avec les vis ou à part. Pas vilain du tout, cet ultime recours, d'ailleurs, je m'en rends compte en lui demandant de l'aide. Pas très grand, les traits estompés, un doux regard de myope, un sourire timide - il me fait un peu penser à Alain Chabat. J'aime bien Alain Chabat. Entre autres, oui, bon, évidemment. Le genre d'homme que l'on imagine facilement jeune père de famille, avec déjà deux ou trois têtes blondes et des ballades à vélo le dimanche. Bref, il doit s'y connaître en chevilles, non ? Et ça vaut peut-être même la peine de poser la question de ma voix la plus douce ?
Et bien non. Et non seulement il ne pouvait pas répondre à ma question, encore plus largué que moi devant toutes ces appellations contrôlées - chevilles à expansion, à collerette, sans collerette, universelles... - mais c'est moi qui me suis retrouvée à l'aider pour choisir les chevilles qu'il lui fallait pour ses murs et ce qu'il voulait en faire.
Certes, il était gentil tout plein, mais là, je dis non. Je sais, c'est antiféministe au possible, mais je dis non.
Alors qu'est-ce qu'on trouve, au rayon visserie de Bricorama ?
Des clous.
Comme si les rayonnages de prises électriques, de clous, de boulons, de lasure et d'enduit de rebouchage créaient des conditions particulièrement propices pour lier conversation, en fournissant à la fois un sujet de discussion inépuisable (car les types de mèches de perçeuses sont plus innombrables encore que les étoiles au ciel) et une occasion de se présenter sous un jour favorable, comme un homme protecteur, rassurant, apte à porter un foyer sur ses larges épaules. Le genre d'homme qui ne vous laissera pas déboucher votre évier toute seule, l'homme qui sera là le jour où les plombs sauteront, l'homme avec lequel les portes de placards ne grincent pas, ferment bien et tiennent droit. C'est vrai que ça fait rêver. Terrain propice, disions nous.
Toujours est-il que le jour où j'ai eu ma carte de fidélité Bricorama, j'ai eu comme l'impression de m'être inscrite insconsciemment dans un club de rencontre, un genre de Meetic souterrain, qui sentirait la sciure, le White Spirit et la limaille de fer. In real life, tout de suite. D'entrée, j'ai été surprise par le ton extraordinairement courtois des conversations dans les allées entre des gens qui ne se connaissaient pas la minute d'avant, comme si chacun était absolument ravi d'avoir à donner des conseils sur la différence entre le plâtre fin et l'enduit de rebouchage, et comme si ces conseils étaient accueillis avec une reconnaissance tellement extrême que c'en était presque suspect. Bon enfant, tout cela : rien de noiseux, politesse et rires discrets. J'ai eu moi aussi quelques relations sans lendemain, comme cet inconnu qui m'a si obligemment expliqué l'application, le mode d'emploi et les mérites respectifs de tous les produits d'entretien pour tomettes, le lait rénovateur, le super décapant, l'imperméabilisant anti-taches, la cire colorante, le bouche-pores. Sans oublier les chiffons doux, brosses, papiers de verre ou serpillères adéquats pour l'application de tout cela. Mes tomettes vont bien, merci, et l'inconnu m'a souhaité une bonne journée avec un sourire que je lui ai rendu avant de tourner le coin du rayon.
Et puis il y a eu le rayon visserie.
Ce jour-là, je cherchais des chevilles pour matériaux ni creux ni plein (si, ça existe. Du carreau de plâtre alvéolé, ça s'appelle. Et c'est très suant) et les vis pour aller avec. Et j'avoue que devant l'infinie diversité des types de chevilles pour toutes les sortes de murs possible et tous les usages imaginables, je me suis sentie, comment dire, un peu perdue et en manque d'une aide fraternelle pour m'épauler dans ce choix crucial.
Justement, il était là, lui aussi plongé dans la contemplation des petits paquets de dix, douze, cinquante, cent chevilles, toutes différentes, avec les vis ou à part. Pas vilain du tout, cet ultime recours, d'ailleurs, je m'en rends compte en lui demandant de l'aide. Pas très grand, les traits estompés, un doux regard de myope, un sourire timide - il me fait un peu penser à Alain Chabat. J'aime bien Alain Chabat. Entre autres, oui, bon, évidemment. Le genre d'homme que l'on imagine facilement jeune père de famille, avec déjà deux ou trois têtes blondes et des ballades à vélo le dimanche. Bref, il doit s'y connaître en chevilles, non ? Et ça vaut peut-être même la peine de poser la question de ma voix la plus douce ?
Et bien non. Et non seulement il ne pouvait pas répondre à ma question, encore plus largué que moi devant toutes ces appellations contrôlées - chevilles à expansion, à collerette, sans collerette, universelles... - mais c'est moi qui me suis retrouvée à l'aider pour choisir les chevilles qu'il lui fallait pour ses murs et ce qu'il voulait en faire.
Certes, il était gentil tout plein, mais là, je dis non. Je sais, c'est antiféministe au possible, mais je dis non.
Alors qu'est-ce qu'on trouve, au rayon visserie de Bricorama ?
Des clous.