La jeune fille et la mort
Les mains enfoncées profond dans les poches de sa veste en jean, écouteurs autour du cou, queue de cheval moussue nouée d'un improbable chouchou, contenance tortillée et rire mal à l'aise, clichés verbaux au coin de la bouche, la collégienne me faisait penser avec attendrissement aux heures sombres de mon adolescence - à ceci près que jamais la souris n'eût osé taper la discute avec un joli blondinet à barbe de chat comme le faisait présentement la collégienne dans cette librairie où la souris laissait traîner ses grandes oreilles ultra-sensibles.
Lequel blondinet répondait avec enthousiasme aux avances gauches de la collégienne par des développements non moins surprenants sur les différents maux dont il était atteint, troubles nerveux et spasmes musculaires, soucis dermatologiques, prédispositions familiales aux maladies de Parkinson, Alzheimer, Creutzfeld-Jacob, pathologies cardio-vasculaires et sanguines, macabre exhibition de sa chronique médicale intime.
La souris écoutait, dubitative, cette insolite parade nuptiale, songeant que c'était tout de même une drôle de manière de pécho et un tableau plutôt dissuasif pour la donzelle.
Et puis elle réfléchit deux secondes à sa propre adolescence. Aux goûts qui étaient les siens à cet âge-là. En fait, un garçon qui se serait présenté comme menacé par trente-six épées de Damoclès consanguines pendues en permanence au-dessus de sa tête, elle aurait trouvé ça hyper romantique et tellement courageux, tu vois, nan mais le pauvre. Il aurait acquis une ténébreuse originalité. Elle aurait été vachement touchée qu'il ose lui dire tout ça. Elle lui aurait trouvé un charme dark gothique fou. Et elle aurait été d'autant plus amoureuse de lui qu'il semblait plus voué au trépas, en lutte contre la mort et la fatalité, flattant son goût adolescent d'être contre, et elle se serait juré de l'aimer quand même, et aurait échaffaudé un grand drame crépusculaire dont il aurait été le héros tuberculeux, le soir, en s'endormant, après avoir révisé son contrôle de maths.
Non, en fait, une tactique en béton, le blondinet.
Lequel blondinet répondait avec enthousiasme aux avances gauches de la collégienne par des développements non moins surprenants sur les différents maux dont il était atteint, troubles nerveux et spasmes musculaires, soucis dermatologiques, prédispositions familiales aux maladies de Parkinson, Alzheimer, Creutzfeld-Jacob, pathologies cardio-vasculaires et sanguines, macabre exhibition de sa chronique médicale intime.
La souris écoutait, dubitative, cette insolite parade nuptiale, songeant que c'était tout de même une drôle de manière de pécho et un tableau plutôt dissuasif pour la donzelle.
Et puis elle réfléchit deux secondes à sa propre adolescence. Aux goûts qui étaient les siens à cet âge-là. En fait, un garçon qui se serait présenté comme menacé par trente-six épées de Damoclès consanguines pendues en permanence au-dessus de sa tête, elle aurait trouvé ça hyper romantique et tellement courageux, tu vois, nan mais le pauvre. Il aurait acquis une ténébreuse originalité. Elle aurait été vachement touchée qu'il ose lui dire tout ça. Elle lui aurait trouvé un charme dark gothique fou. Et elle aurait été d'autant plus amoureuse de lui qu'il semblait plus voué au trépas, en lutte contre la mort et la fatalité, flattant son goût adolescent d'être contre, et elle se serait juré de l'aimer quand même, et aurait échaffaudé un grand drame crépusculaire dont il aurait été le héros tuberculeux, le soir, en s'endormant, après avoir révisé son contrôle de maths.
Non, en fait, une tactique en béton, le blondinet.