Du ratissage, ou art de manier le rateau
Qu'elles sont jolies, les voies qui partent de la gare d'Austerlitz, et romantique la vue des trains qui passent, et rapide mon pas au long du pont qui les surplombe.
Et, tiens, il y a un môme à côté de moi. Un môme. Avec les cheveux gominés ornés d'un magnifique serre-tête, un grand sourire et les joues rebondies. Et c'est à moi qu'il dit gentiment bonjour. Zut, si je continue à regarder obstinément les trains je vais passer pour une malpolie.
"Bonjour mademoiselle, vous êtes vraiment très charmante."
Grmf. Que répondre? Merci?
"Vous avez quel âge?"
Ah oui tiens, on va jouer aux devinettes, j'ai quel âge, au fait, mon garçon?
"Euh... La vingtaine?
Moue équivoque de ma part.
"Un peu plus?"
Moue équivoque à nouveau. Et là, un trait de génie : "non, la quarantaine."
A ces mots, je vois plein de smileys se dessiner à toute vitesse dans sa tête avec des points d'interrogation dessus. "Non?" Si, si, mon grand. Je suis plutôt bien conservée, non? "Euh... ouais... En tous cas, félicitations!" Le pauvre, voilà qu'il a presque l'air de me plaindre.
Et, oh, il a cessé de marcher aussi vite que moi et, oh, le voilà déjà quinze mètres en arrière et, oh, ça y est il a disparu...
La souris blonde s'éloigne légèrement sur ses petites pattes de 26 ans.
Finalement, tout l'art du ratissage ne revient-il pas à savoir attirer le rateau à soi au moment opportun ?