Le dragueur de gare - 4 : Tant va la cruche à l'eau qu'à la fin elle se noix
La souris continuait donc d'attendre son train, consultant un peu trop fréquemment sa montre, se penchant un peu trop souvent vers le panneau d'affichage, tandis que le dragueur de gare tentait vainement quelques questions indiscrètes aussitôt contrées par un flou, suivi de leur retournement.
La conversation naviguait mollement entre deux eaux, la souris apprenait plein de trucs dont elle n'avait cure sur la vie du dragueur : oui, elle voulait savoir où il habitait, s'il avait une petite amie, où il travaillait, où mais où exactement, si c'était un bon job, si le patron était sympa, ah les CDD c'est vraiment pas cool, à qui le dis-tu, ce qu'il aimerait faire à la place, ce qu'il avait de prévu pour la soirée, ce qu'il attendait là. Elle en profitait pour terminer son dîner, et le dragueur de gare en était réduit à commenter les faits et gestes de la souris pour entretenir un semblant d'illusion de contact personnel avec elle.
Il en était par exemple arrivé à l'ébouriffante conclusion que si la souris mangeait, c'est qu'elle devait avoir vraiment très faim : pour un dragueur à la noix, une jeune fille qui mange une pauvre barquette de lentilles, c'est une jeune fille qui a une faim de loup : d'ordinaire, les jeunes filles ne mangent pas, voyons. Et peut-être même soif, d'ailleurs, puisqu'elle venait de sortir sa petite bouteille d'eau. Aussi en arriva-t-il à cette charmante proposition :
« Je peux te prêter ma salive, si tu veux. »
La souris se figea un instant, avala difficilement la sienne, réprima une nausée. Qui te rend si hardi de troubler mon breuvage ?
Non, merci, ça ira. Elle adressa un écarquillement d'yeux effarés au monsieur derrière la vitre, pour partager avec lui ce moment unique : oui, en effet, c'est un sacré boulet. Pas méchant, mais boulet. C'est l'inconvénient ultime, avec les dragueurs à la noix : s'ils ne parviennent pas à accéder par la parole à votre intimité, leur dernière ressource pour le faire, c'est de vous écoeurer franchement. Là, c'est sûr, touché. A tous les coups.
Oh, oui, il finit bien par être affiché, le quai d'où partit ce fichu train, emportant la souris vers d'autres horizons... Mais c'est fou ce que les minutes qui restaient parurent longues.
La conversation naviguait mollement entre deux eaux, la souris apprenait plein de trucs dont elle n'avait cure sur la vie du dragueur : oui, elle voulait savoir où il habitait, s'il avait une petite amie, où il travaillait, où mais où exactement, si c'était un bon job, si le patron était sympa, ah les CDD c'est vraiment pas cool, à qui le dis-tu, ce qu'il aimerait faire à la place, ce qu'il avait de prévu pour la soirée, ce qu'il attendait là. Elle en profitait pour terminer son dîner, et le dragueur de gare en était réduit à commenter les faits et gestes de la souris pour entretenir un semblant d'illusion de contact personnel avec elle.
Il en était par exemple arrivé à l'ébouriffante conclusion que si la souris mangeait, c'est qu'elle devait avoir vraiment très faim : pour un dragueur à la noix, une jeune fille qui mange une pauvre barquette de lentilles, c'est une jeune fille qui a une faim de loup : d'ordinaire, les jeunes filles ne mangent pas, voyons. Et peut-être même soif, d'ailleurs, puisqu'elle venait de sortir sa petite bouteille d'eau. Aussi en arriva-t-il à cette charmante proposition :
« Je peux te prêter ma salive, si tu veux. »
La souris se figea un instant, avala difficilement la sienne, réprima une nausée. Qui te rend si hardi de troubler mon breuvage ?
Non, merci, ça ira. Elle adressa un écarquillement d'yeux effarés au monsieur derrière la vitre, pour partager avec lui ce moment unique : oui, en effet, c'est un sacré boulet. Pas méchant, mais boulet. C'est l'inconvénient ultime, avec les dragueurs à la noix : s'ils ne parviennent pas à accéder par la parole à votre intimité, leur dernière ressource pour le faire, c'est de vous écoeurer franchement. Là, c'est sûr, touché. A tous les coups.
Oh, oui, il finit bien par être affiché, le quai d'où partit ce fichu train, emportant la souris vers d'autres horizons... Mais c'est fou ce que les minutes qui restaient parurent longues.