Le dragueur de gare - 1 : Faute de grives, on mange des noix
Cette année, et pour le premier Noël à la noix, la souris se fait à la fois père Noël et père Fouettard : elle vous offre une Grande Noix de Noël, en quatre volets, avec un cadeau caché à l'intérieur... et un martinet aussi.
Les dragueurs à la noix sont un peu comme les perles qu'on trouve dans les huîtres : ils auraient quand même pu choisir des endroits moins moches pour se développer. Là, c'était la salle d'attente d'une gare parisienne, aux trois quarts désertée à cette heure avancée de la soirée, et le dragueur de gare s'était d'abord présenté comme un tapeur de gare, s'enquérant si d'aventure la souris n'avait pas, sur son forfait, quelques minutes surnuméraires dont il pourrait user.
Non. Qu'à cela ne tienne, le tapeur s'était déjà métamorphosé et, alignant les « oh, tu as de beaux yeux », « de bien beaux yeux », « je suis hypnotisé par tes yeux », « c'est quoi ton prénom » (Musaraigne, sans hésitation), s'installait sur le siège voisin.
Pour saisir tout le sel de la situation, précisons qu'à cette heure tardive la souris sortait de la piscine et attendait de rentrer enfin chez elle. C'était donc une souris vêtue d'un vieux sweat, sans maquillage aucun, au teint rougi, aux cernes profondes, aux yeux brouillés par le chlore, tassée sur elle-même, hâve et fatiguée, les cheveux entortillés en une piteuse queue de rat mouillé, et occupée à lire un austère traité de psychologie comportementale en vidant consciencieusement un tout aussi austère plat de lentilles au chèvre de sa composition. Le tableau n'était pas franchement tout ce qu'il y a de plus aguicheur.
Mais pour un dragueur affamé, même le dîner le moins glamour est prétexte à faire la conversation, et les yeux de noyée doivent avoir leur charme. Aussi ne manqua-t-il pas de rebondir immédiatement sur le premier détail visible qui lui permette de dire quelque chose, même n'importe quoi, surtout n'importe quoi :
« ça a pas l'air très appétissant, ce que tu manges ! »
La souris craignit un instant qu'il ne veuille goûter. Mais non, c'était juste histoire de causer. De beaux yeux et de vilaines lentilles, donc. Car la souris venait de réaliser que jusqu'à l'affichage de ce fichu train, son attente allait être agrémentée par la compagnie d'une espèce tout à fait particulière : le dragueur de gare.
(à suivre...)
Les dragueurs à la noix sont un peu comme les perles qu'on trouve dans les huîtres : ils auraient quand même pu choisir des endroits moins moches pour se développer. Là, c'était la salle d'attente d'une gare parisienne, aux trois quarts désertée à cette heure avancée de la soirée, et le dragueur de gare s'était d'abord présenté comme un tapeur de gare, s'enquérant si d'aventure la souris n'avait pas, sur son forfait, quelques minutes surnuméraires dont il pourrait user.
Non. Qu'à cela ne tienne, le tapeur s'était déjà métamorphosé et, alignant les « oh, tu as de beaux yeux », « de bien beaux yeux », « je suis hypnotisé par tes yeux », « c'est quoi ton prénom » (Musaraigne, sans hésitation), s'installait sur le siège voisin.
Pour saisir tout le sel de la situation, précisons qu'à cette heure tardive la souris sortait de la piscine et attendait de rentrer enfin chez elle. C'était donc une souris vêtue d'un vieux sweat, sans maquillage aucun, au teint rougi, aux cernes profondes, aux yeux brouillés par le chlore, tassée sur elle-même, hâve et fatiguée, les cheveux entortillés en une piteuse queue de rat mouillé, et occupée à lire un austère traité de psychologie comportementale en vidant consciencieusement un tout aussi austère plat de lentilles au chèvre de sa composition. Le tableau n'était pas franchement tout ce qu'il y a de plus aguicheur.
Mais pour un dragueur affamé, même le dîner le moins glamour est prétexte à faire la conversation, et les yeux de noyée doivent avoir leur charme. Aussi ne manqua-t-il pas de rebondir immédiatement sur le premier détail visible qui lui permette de dire quelque chose, même n'importe quoi, surtout n'importe quoi :
« ça a pas l'air très appétissant, ce que tu manges ! »
La souris craignit un instant qu'il ne veuille goûter. Mais non, c'était juste histoire de causer. De beaux yeux et de vilaines lentilles, donc. Car la souris venait de réaliser que jusqu'à l'affichage de ce fichu train, son attente allait être agrémentée par la compagnie d'une espèce tout à fait particulière : le dragueur de gare.
(à suivre...)