Carla Bruni, souris rougit
La bibliothèque était immense, longée d'imposants pilliers à chapiteaux, de majestueux rayons de lumière traversaient ses lointaines fenêtres, soulignant la hauteur de la voûte décorée d'étoiles et de rosaces, et la souris se sentait saisie d'un saint respect en parcourant d'un pas humble les travées silencieuses bordées de sacrés bouquins.
Levant les yeux pourtant, elle vit soudain s'avancer vers elle une divine apparition. Haute et souple, si diaphane qu'elle semblait la source de la lumière qui adoucissait ses traits, les yeux extraordinairement allongés, les pommettes hautes, elle avait le pas majestueux de ces Vénus de Botticelli qui ne s'avancent jamais sans que l'air autour d'elles ne se mette à valser gracieusement.
Et comme l'apparition la regardait d'un air aimable, juste avant de tomber à genoux, la souris la reconnut.
C'était Carla Bruni.
Oui, oui, à la bibliothèque. Face à la souris.
Et, chose plus étrange encore, Carla Bruni disait bonjour à la souris. Pourtant, d'abord, la souris ne connaît pas Carla Bruni, mais en plus, Carla Bruni avait encore moins de chance de connaître la souris, vu que la souris, même sans lunettes noires, elle est pas très connue. En tous cas, Carla Bruni disait bonjour à la souris.
Laquelle lui mit un vent. Eh oui, que voulez-vous, quand une apparition vous salue par surprise, on n'a pas toujours assez de présence d'esprit pour réagir à temps.
La souris lui mit un vent, et deux secondes plus tard, lui vint à l'esprit que ce n'était pas Carla Bruni. Non. Plus vraisemblablement la petite soeur d'un ami, pas vue depuis l'époque où elle suçait son pouce, ou à peu près. Bah oui, évidemment : Carla Bruni, de nos jours, elle n'est plus belle à ce point, surtout en vrai.
Bref, la souris rattrappa la divine apparition pour s'excuser platement et lui dire que désolée, juste elle l'avait prise pour Carla Bruni. Laquelle dit ah, euh, oui, ok, et s'en fut (continuant à faire danser l'air et ses voiles en fines vaguelettes translucides).
Voilà, c'était l'anecdote de la honte de la souris à la noix.
Mais c'est vrai que la dernière personne qui m'avait dit "Eh, tu serais pas la meuf à Karembeu? Adriana? Ah non s'cuse moi, je t'avais prise pour la femme à Karembeu. Et sinon, on peut prendre un verre?", je ne l'avais pas trouvée très crédible, non plus.